Alice & Blablatone : Under the Rock

11 mars 2023

Atelier B, Marsannay-la-Côte, 17h45
Début de la performance : 18h. Durée : environ 35 minutes.

En supplément : quatre ou cinq morceaux de Blablatone du fond de la caverne.

Étendez deux nappes l’une au dessus de l’autre, l’une sonore, l’autre visuelle. Faites communiquer les deux par quelques points de capiton. En l’occurrence recouvrez une performance d’Alice et des objets qu’il dispose et déplace dans l’espace par six morceaux de Blablatone enchaînés par ledit groupe. Vous pouvez aussi dire que c’est la prestation théâtralo-visuelle qui recouvre la musique : les deux nappes sont à égalité et flottent dans l’espace, il n’y en a pas une faite pour dominer l’autre. Quoiqu’il en soit, débrouillez-vous pour fomenter quelques rencontres, des lieux de rendez-vous.

Blablatone est composé d’un chanteur, guitariste et compositeur, d’une bassiste et d’un batteur. Alice est composé de lui-même et de son bric-à-brac.

Alice est venu avec des éléments de décoration de magasin, des ciels bleus, des disques noirs, une cloche en plastique, un rideau de fils de nylon, un linoleum en damier, l’agrandissement de l’un des ses gribouillis, des tubes, des cartons d’où il tire des accessoires. Blablatone est venu avec un double inquiétant, une fille plantée là avec ses yeux hypnotiques, un parapluie pour se préserver de la folie, des couleurs pour sortir du sommeil, de pauvres rémouleurs aiguisant leurs couteaux.

La reprise d’une composition de Lou Reed de 1966, figurant dans le fameux album du Velvet « à la banane », fournit la référence : celle d’un rock à texte supporté par une rythmique appuyée, la dissonance de sons saturés et la noise des larsens. Alice y répond par la projection des 632 variations du Sunset d’Andy Warhol, un original multiple conçu en 1972 pour le grand hôtel Marquette de Minneapolis. (Comme disait Alphonse Allais, « Ça ne nous rajeunit pas ! ».) Et le spectacle qui a lieu dans un local sans éclairage, se termine quand le soleil se couche tandis qu’un projecteur éclaire la scène depuis l’extérieur.

Un grand volume de papier argenté entourant une double échelle figure une météorite, la foi qui sauve aide ! Les jeux de mots aussi : Under the Rock.

Au sein du groupe Blablatone, Sandra Masuez pince, Dominique Glanclaude gratte et chante, tandis que Thomas Bart bat. Alice, lui, va et vient, manipule et aménage, et éventuellement s’adresse au public. Les textes en anglais de Dominique Glanclaude sont aussi étranges que les actions d’Alice. Des deux côtés l’inventaire est à la Prévert. De toute façon la noise est là pour brouiller les cartes. On ne comprendra pas tout.

Lors de ses études aux Beaux-Arts de Dijon (promotion 1980-1985), Thomas Bart a vu certaines des premières performances d’Alice (promotion 1979-1984. En 1995, Alice et le groupe Playtime (Thomas Bart, Marie Brianne, Dominique Glanclaude et Hervé Philippe) se produisirent à l’Eldorado, à Dijon, avant la projection de l’avant-première du documentaire Nico Icon. C’était déjà une rencontre sous le signe du Velvet, Under the Rock.

En janvier 1964, Andy Warhol investit le cinquième étage du 231 East 47th street. Ray Johnson recouvrit les murs de l’atelier de papier aluminium et de peinture argentée. La Silver Factory était née. (La météorite d’Alice y renvoie peu ou prou.) C’était un espace, lieu de vie et de travail, où coexistait musique, peinture et cinéma. À Marsannay, le joyeux bazar dispersé dans l’atelier, avec ses projections et les musiciens sur leurs tapis dans un coin, est aussi un espace de cohabitation. Blablatone paie son tribut à la culture pop en chantant en anglais et Alice fait sa Factory.

En 1996, Alice conçu une performance à l’occasion des cent ans des premières féeries cinématographiques de Georges Méliès. Il en donna un épisode l’année suivante, à l’Eldorado encore – ce haut lieu de la cinéphilie dijonnaise. Il avait conçu une boîte transformable en table d’où il sortait des objets en écho de sa lecture des titres des quelques 520 films de l’ancien prestidigitateur. Lors de la soirée Nico Icon une partie des musiciens de Playtime arrivaient sur scène depuis la salle. Le 11 mars 2023, ceux de Blablatone monteront depuis les entrailles de l’atelier, et y retourneront. Comme s’ils voulaient faire entendre une musique infernale. Méliès peuplait ses féeries de petits diables, et Alice a un côté « je vais vous le sortir du chapeau ».

Alice a eu une formation de dessinateur à l’École de La Martinière, avant de faire les Beaux-Arts. De 1992 à 2010, il a dessiné pour des méthodes médicales. Il en reste une collection de pages 21 x 29,7 sur lesquelles il essuyait ses rotrings : l’agrandissement de l’un de ces dessins sera suspendu. Ce pan de savoir-faire entre dans la performance, tout comme les textes de Dominique avec sa voix haut perchée et sa guitare distordue, soutenus par le tempo, les breaks et les accélérations de Sandra et Thomas. Under the Rock, il y a une plage où chacun apporte son pique-nique, lorgne sur le sandwich de la voisine, et fait passer sa salade de fruit.

Christian Besson

Titres joués par Blablatone